Roman de 128 pages, ce texte a été écrit en 1962 par Marguerite Duras et fut adapté deux fois, une fois pour la radio, une autre pour le cinéma.
Résumé
Toute l'action se déroule dans une villa en travaux sise dans un endroit paradisiaque, en bord de forêt, dominant un étang, ensoleillée. Nous sommes dans le Sud de la France. Le propriétaire est Mr Andesmas, 78 ans, obèse. Il est fatigué, se sent vieux. De santé fragile, il a du mal à respirer et sent venir sa fin. Il fait partie de ces personnes riches mais dont les biens ne l'ont pas épargné de la solitude, surtout à son âge. Il a une fille nommée Valérie, belle, gracieuse, aux longs cheveux blonds.
Au début du roman Valérie a déposé son père à la villa, il doit attendre le maçon, Michel Arc, il lui a promis de passer pour construire une terrasse en remplacement d'une zone sablonneuse inutile à la maison. De là où il est, Mr Andesmas voit la place du village, place sur laquelle se déroule une fête. Il entends les sons des musiciens, il devine la grace des danseuses, et celle de sa fille, qui est retourné là-bas après l'avoir déposé. Mr Andesmas attend. Il attend longtemps, observant son environnement, lentement. Puis arrive la fille du maçon qui vient excuser son père pour le retard. Il est à la fête et lui aussi s'amuse bien. Puis arrive la femme du maçon, qui doit lui faire comprendre une dure mais nécessaire vérité : Sa fille chérie, si parfaite, s'amuse avec son mari. Ce vieil homme doit alors comprendre la dureté de la vie et se remettre en question, si tardivement.
Commentaires
Voici une histoire peu banale. Avec son rythme lent, son récit sans aspérité, sans découverte ni surprise, il a tout pour déplaire. Les dialogues sont simples, banals, et le fait de suivre ce vieillard finissant sa vie oublié de tous n'encourage pas à poursuivre sa lecture jusqu'à la fin. Et pourtant, derrière cette façade, le lecteur découvrira un homme subtil, intéressant, disposant d'une grande capacité de réflexion et soumis à des sentiments contradictoires parfaitement décrits. C'est donc un roman à lire plutôt au second degré.
L'intérêt principal du livre réside dans les sentiments contradictoires que doit supporter Mr Andesmas. Victime de son admiration pour sa fille, il n'a pu imaginer qu'elle puisse avoir des actes négatifs, opposés à sa façon de vivre, d'être. Il est prit de sentiments contradictoires et à du mal à le supporter. Le thème de ce roman est donc avant tout la trahison.
C'est d'autant plus difficile pour lui d'admettre cet état de fait que c'est lui-même qui a provoqué la rencontre initiale en se baladant avec sa fille un an plus tôt à travers le village, alors qu'elle n'était encore qu'une adolescente attirant les regards. Cette scène préliminaire sert de point de départ pour Mme Arc dans son récit de la séduction qu'a subit son mari, récit récapitulant les mois précédents et aboutissant à cette après-midi d'été.
Extrait : Ils se retrouvent tous deux ensemble devant ce souvenir de Valerie un an avant, enfant. Dans une perspective unique, ils ecoutent tous les deux. M. Andesmas releva la tete et contempla en meme temps que la femme ce passage de Valerie, un an avant, quand elle ignorait encore la splendeur de sa demarche, dans la lumiere de la place du village. Ils furent, une fois de plus relegues dans cet instant ou elle avait vu, completement, a decouvert, pour toujours, la beaute de Valerie Andesmas.
De cette trahison découle tous les autres sentiments : La colère, directement issue de la découverte de la trahison de Valérie, mais aussi l'amour, un amour que porte Mr Andesmas à sa fille, un amour fort et dont la nature change suite à la révélation de Mme Arc. Cet amour ne disparaît pas, il est juste transformé. Il y a aussi de la peur chez Mr Andesmas. La peur de ne pas avoir compris sa fille, la peur de ne pas l'avoir vu changer, la peur de la perdre. Et aussi de la frustration, celle d'être mis devant le fait accompli, de ne pas avoir su qui était cette fille si belle, si joyeuse.
Le récit se termine juste avant le dénouement de l'histoire, pour laisser en suspend le texte et renforcer par la même occasion les sentiments : Mme Arc s'éloigne, une fois son récit achevé, tandis que Valérie et Mr Arc arrive ensemble à la villa pour se présenter devant Mr Andesmas, tout sourire. Le lecteur reste avec cette image d'une grande violence malgré les apparences.
Le style d'écriture est simple, monotone. Nous sommes loin des paraphrases de l'Amant, ici les phrases sont complètes, non alambiqués. Le roman se lit facilement.
Extrait : Quand je me réveille, madame Arc, à mon âge, de ces sieste de vieillard dont vous me parlez, d’un sommeil épais comme de la poix, avec mes souvenirs je sais que c’est une plaisanterie très commune de croire qu’il sert à quelque chose d’avoir eu une vie si longue. J’ai encore l’imagination des matinées et des soirées de Valérie, je n’y peux rien. Je crois que je n’atteindrai jamais le moment de ma vie où l’imagination des matinées de Valérie me quittera. Je crois que je mourrai avec tout le poids, l’immense poids de l’amour de Valérie sur mon cœur. Je crois que ce sera ainsi.
Anecdotes
Initialement, ce roman devait s'intituler "Bien sûr, monsieur le maçon viendra", qui est un titre moins formel que celui qui a été retenu.
Le nom du vieil homme n'est pas anodin. Il s'agirait de la contraction des noms "Antelme", "Des Forêts" et "Mascolo", ceux des trois tuteurs de Marguerite Duras qu'elle cherchait à fuir.
Adaptation
Ce roman a été adapté au cinéma en 2003, soit relativement récemment, par Michelle Porte. Le filme de 1h20 a pour acteur Michel Bouquet, Miou-Miou et Anne Isserman. Il a aussi été radiodiffusé en 1965 sur France Culture sur un enregistrement de Charles Vanel, Maria Casarès et Rosine Favey. Il est disponible sous forme de CD.
Accueil lors de sa publication
Encore une fois la sortie d'un roman de Marguerite Duras partagea l'opinion. Certains critiques étaient plutôt positifs, comparant l'oeuvre au "Grand Maulnes", d'autres plus négatifs. La majorité des critiques allant plutôt dans ce sens.
Voir aussi :