L'Homme Atlantique est un roman de Marguerite Duras écrit en 1982, soit deux ans avant son principal ouvrage, l'amant. Il fait 30 pages seulement.
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L'Homme Atlantique est un roman de Marguerite Duras écrit en 1982, soit plutôt vers la fin de sa carrière. Il s'agit d'une nouvelle d'une trentaine de pages correspondant à une longue lettre d'amour envoyée par l'auteur à son amour, un certain Yann. Le message est une longue blessure dû à un amour finissant, blessure de laquelle s'écoule des interrogations sur l'incapacité à rectifier le passé et garder un souvenir intact de la relation. Des notions sur l'existence de Dieu sont également abordées.
Il s'agit, en pratique, de la bande sonore du film du "Agatha ou les lectures illimitées". Ce film montre Yann Andréa marchant dans les pièces désertes de la villa Agatha, le tout entrecoupé de longues séquences noires. Le texte a été destiné initialement au film, mais il pouvait vivre par lui-même en tant qu'oeuvre indépendante, c'est la raison pour laquelle on la retrouve sous forme de livre. Le film et le livre ont ceci en commun qu'ils donnent une impression de déchirure, un amour perdu qui s'éloigne de plus en plus dans le coeur de l'être aimant. C'est bien sûr une histoire personnelle qui n'a été écrite que pour purger définitivement ce sentiment de violence.
Le texte est écrit de façon à ce que le lecteur/spectateur soit le témoin de l'interpellation de Yann Andréa par Marguerite Duras. Le texte fait la part belle au vouvoyement, qui accroit le sentiment de respect tout autant que la mise à distance de l'être aimé, que la disparition de l'amour.
Extraits
Vous regarderez l'appareil comme vous regardiez la mer, comme vous regardiez la mer et les vitres et le chien et l'oiseau tragique dans le vent et les sables d'acier face aux vagues. (page 25)
Vous ne regarderez pas la caméra. Sauf lorsqu'on l'exigera de vous.
Vous oublierez.
Vous Oublierez
Que c'est vous, vous l'oubierez.
Je crois qu'il est possible d'y arriver.
Vous oublierez aussi que c'est la caméra. Mais surtout vous oublierez que c'est vous. Vous.
Oui, je crois qu'il est possible d'y arriver, par exemple à partir d'autres approches, de celle entre autres de la mort, de votre morts perdue dans une mort régnante et sans nom.
Je l’ai pris et je l’ai mis dans le temps gris, près de la mer, je l’ai perdu, je l’ai abandonné dans l’étendue du film atlantique. Et puis je lui ai dit de regarder, et puis d’oublier, et puis d’avancer, et puis d’oublier encore davantage, et l’oiseau sous le vent, et la mer dans les vitres et les vitres dans les murs. Pendant tout un moment il ne savait pas, il ne savait plus, il ne savait plus marcher, il ne savait plus regarder. Alors je l’ai supplié d’oublier encore et encore davantage, je lui ai dit que c’était possible, qu’il pouvait y arriver. Il y est arrivé. Il a avancé. Il a regardé la mer, le chien perdu, l’oiseau sous le vent, les vitres, les murs. Et puis il est sorti du champ atlantique. La pellicule s’est vidée. Elle est devenue noire. Et puis il a été sept heures du soir le 14 juin 1981. Je me suis dit avoir aimé.
Vous pensez que c'est moi qui vous ai choisi. Moi. Vous. Vous qui êtes à chaque instant le tout de vous-même auprès de moi, cela, quoi que vous fassiez, si loin ou si près que vous soyez de mon espérance.
Adaptation cinématographique
Pour une fois ce n'est pas le livre qui a engendré le film mais l'inverse. Marguerite Duras a réalisé "Agatha ou les lectures illimitées", un moyen métrage de 45 minutes sorti dans une seule salle pendant 15 jours seulement, film où elle lisait un simple texte, repris plus tard en tant que livre. Il a été réalisé avec les chutes du film "Agatha", mais comme ces chutes n'étaient pas suffisantes pour tenir la longueur souhaitée, elle a entrecoupé les images par de longues séquences de noirs, séquences ne servant qu'à soutenir le texte récité à l'attention du spectateur. L'impression générale est surprenante.
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