Ce livre de Marguerite Duras a été publié aux éditions de Minuits en 1986. L'histoire est celle d'une passion impossible et dévorante qui lie une femme écrivain, hétérosexuelle, à un jeune homme homosexuel. Le thème principal est le désir impossible et la recherche d'un bonheur parfois impossible à atteindre.
Résumé
L'histoire est celle d'une passion impossible et dévorante, celle qui lie une femme écrivain, hétérosexuelle, à un jeune homme homosexuel. Vivant ensemble depuis 5 ans, ils partagent la vie quotidienne, les épreuves de la vie. Et c'est justement lorsque l'homme est rejeté par son compagnon que la femme, qui le désire intensément, se désespère de la situation impossible à résoudre.
Les relations entre eux sont simples mais forts. Lui, dépressif, ne désire rien de la vie, est en attente de reconstruction. Elle, au contraire, brûle d'amour pour lui. Incapable de le quitter, ils échangent des regards noyés dans la simplicité des larmes" (page 25). Du coup elle se perd dans les plaisirs annexes, tantôt sur les plages où les hommes font l’amour à des filles qu’ils ne connaissent pas, tantôt dans des chambres d’hôtel où l’attend un homme qui la bat pour la faire jouir plus vite.
Cette situation perdurera dans un désespoir intense, désespoir d'autant plus fort que le jeune homme homosexuel ne peut lui donner ce qu'elle désire : L'amour.
L'action se déroule dans la maison de l'homme, plus précisément dans sa chambre, et encore plus précisément dans son lit. La description des évènements est largement faite la nuit, lorsqu'ils dorment ensemble, formant un huis-clos intéressant. La plupart du temps ils sont nus, leurs cheveux noirs se mêlant.
L'environnement, c'est l'une des stations balnéaires du Nord de la France, non citée mais reconnaissables. Il y a une grande plage, des rochers, une digue, des maisons le long de la route parallèle à la mer. Oui, c’est peut-être Trouville ou Deauville, ou Cabourg, ou toute autre plage à l’heure où le soleil se couche. C'est l'été, pendant une de ces journées rares où la lumière ne se décide pas à disparaitre, un hôtel au bord de la mer, des hommes et des femmes habillés de blanc.
Commentaire
Le thème
Le thème de ce roman est relativement simple, il consiste à poser la question de l'amour entre deux personnes n'ayant pas la même préférence sexuelle. Comment alors accepter que l'autre ne se rapproche pas de ses propres désirs ? Marguerite Duras réalise le tour de force de raconter cette histoire sans utiliser le mot "Homosexuel", en fait cet état de fait n'est que suggéré. Le vrai message est un amour profond pour le sexe féminin, le plaisir qui y est associé, la douleur aussi. L'homme, lui, n'est qu'un faire-valeur au plaisir féminin. D'ailleurs on peut rapprocher cette histoire de l'histoire entre l'auteure et Yann Andréa, que l'on retrouvera en filigrane dans plusieurs romans.
Le style d'écriture du roman est atypique. Il se rapproche assez d'un scénario de film, voire d'une pièce de théâtre. Le texte est rempli d'indications scéniques. Les phrases sont plutôt courtes, fidèles au style Duras. Elles sont très descriptives, mais aussi très musicales, la sonorité des mots utilisés est tout aussi important que la signification des mots eux-mêmes.
Duras écrit des phrases apparemment banales :
Extrait : Le plus terrible c’est l’oubli des amants. Le teint blanc des amants. La jouissance était à en perdre la vie.
On dirait des refrains de chansons mélos, mais ces phrases de roman-photo, elle les inscrit dans un vertige, dans des répétitions obsédantes et ainsi leur confère une aura sublime.
L'origine du livre
Comme souvent avec Marguerite Duras, ce livre n'est pas issu directement de son imagination en tant que tel. Il s'agit d'une tentative d'adaptation théâtrale de La maladie de la mort, sortie 4 ans plus tôt. Ceci explique pourquoi le livre contient des indications scéniques, un peu comme si les acteurs du livre se devaient de suivre les indications de l'écrivaine. Et ça explique aussi pour les thèmes sont similaires et l'histoire quasiment identique.
Extrait : Les deux héros de l'histoire occuperaient la place centrale de la scène près de la rampe. Il ferait toujours une lumière indécise, sauf à cet endroit du lieu où la lumière serait violente et égale. Autour, les forme vêtues de blanc qui tournent.
On retrouve de telles indications un peu partout dans le roman, c'est une sorte de fil conducteur qui rappelle à la fois l'origine du livre et qui améliore la mémorisation des scènes par le lecteur.
Il faut noter que l'année de la publication de ce livre, Marguerite Duras a également publié La pute de la côte normande , un texte très court qui raconte comment elle a écrit Yeux bleus cheveux noirs. Ca c'est passé à Trouville, avec Yann Andréa à ses côté, durant l'été 1986. Ce qui explique pourquoi l'action du livre se déroule dans une station balnéaire du Nord de la France.
Extraits
La scène
La salle serait dans le noir, dirait l'acteur. La pièce commencerait sans cesse. A chaque phrase, à chaque mot.
Les acteurs pourraient ne pas être des acteurs de théâtre. Ils devraient toujours lire le livre à voix haute et claire, se tenir de toutes leurs forces exempts de toute mémoire de l'avoir jamais lu, dans la conviction de n'en connaître rien, et cela chaque soir. Les deux héros de l'histoire occuperaient la place centrale de la scène près de la rampe. Il ferait toujours une lumière indécise, sauf à cet endroit du lieu des héros où la lumière serait violente et égale. Autour, les formes vêtues de blanc qui tournent. (p.49-50)
La recherche du bonheur
Je suis allé le chercher sur la plage, je ne savais plus ce que je faisais. Puis je suis revenu dans le parc. J'ai attendu l'arrivée de la nuit. Je suis parti quand on a éteint le hall. Je suis allé à ce café au bord de la mer. D'habitude nos histoires sont courtes, je n'ai jamais connu ça. L'image est là - il montre sa tête, son cœur -, fixe. Je me suis enfermé avec vous dans cette maison pour ne pas l'oublier. Maintenant vous savez la vérité." (p.36)
Une description
Elle est dans l'ombre, séparée de la lumière. Le lustre gainé de noir n'éclaire que l'endroit des corps. L'ombre du lustre fait les ombres différentes. Le bleu des yeux et le blanc des draps, le bleu du bandeau et la pâleur de la peau se sont couverts de l'ombre de la chambre, celle du vert des plantes du fond des mers. Elle est là, mélangée avec les couleurs, et l'ombre, toujours triste de quelque mal qu'elle ne sait pas. Née comme ça. Avec ce bleu dans les yeux. Cette beauté. (p.48)
Voir aussi :