Il s'agit d'un essai de Marguerite Duras publié en 1980 dans lequelle l'auteur donne sa vision de l'écriture et du cinéma.
Commentaire
Les yeux verts est un livre que l'on peut qualifier d'essai, de Marguerite Duras. Il est paru initialement sous la forme d'un numéro spécial de la revue "Les cahiers du cinéma" (N° 312 et 313), le rédacteur en chef de la revue lui ayant donné une carte blanche. C'est Serge Daney qui assura la coordination de l'auteure avec la revue. Elle fit paraître par la suite cette revue sous forme de livre, pensant que l'ensemble de ces textes formait une oeuvre littéraire en part entière. Ce livre est donc un peu court, bien qu'il ait reçu quelques nouveaux textes et photographies pour l'occasion.
De par sa diffusion initiale, il s'agit bien sûr d'une réflexion sur le cinéma. Marguerite Duras y expose les difficultés qu'elle a eu à faire des films, les problèmes rencontrés et apporte des éléments de réponse. Le texte est augmenté d'un bon nombre de réflexions personnelles, de conversations qu'elle a eu avec des personnes ayant un intérêt dans le cinéma (acteurs, réalisateurs, producteurs) et des lettres écrites ou reçues, toujours en rapport avec le sujet. Il y a aussi des biographies et personnalités, y compris des chanteurs, et quelques photographies prise par le propre fils de l'auteure. L'ensemble fait un livre cohérent mais parfois difficile à lire, voire à comprendre. Le message essentiel qu'elle a voulu faire passer estle désespoir qu'elle a à ne pas parvenir à révolutionner le cinéma français, malgré ses efforts.
Extrait : Pour Jean-Pierre Ceton, les yeux verts
Cet extrait provient d'un texte nommé "Pour Jean-Pierre Ceton, les yeux verts". C'est lui qui a donné son nom au livre, par la suite. Il s'agit de la première phrase (partielle) de ce texte.
Extrait : Viens, viens que nous allions ensemble pendant cet après-midi de printemps, viens, qu'on aille à travers la ville, qu'on parle, de tout, c'est le bonheur de la vie, qu'on regarde le mouvement, la ville à travers les vitres, la lumière jaune, qu'on aille, toujours, qu'on reste, toujours, là, et là encore, à regarder derrière les vitres la ville, la lumière jaune répandue, qu'on parle, de partir, de rester, d'écrire, de se tuer, tu vois, viens pour rien, pour entendre le bruit, le bruit des langues étrangères, les cris, le vacarme, le fleuve, la douceur...
Cet extrait est volontairement coupé en pleine phrase parce que cette dernière se poursuit sur de nombreuses lignes. C'est une curiosité car ce que l'on nomme le "style Duras" est exactement à l'opposé : Des phrases très courtes, des paraphrases, des idées mises les unes sur les autres sont la base de l'écriture "durassienne". Ici, c'est tout l'inverse : Des phrases très longues, qui s'éternisent dans une idée vague. Le lecteur a un peu l'impression que Marguerite Duras a évacué dans cet ouvrage le style d'écriture qu'elle ne parvient pas à faire dans ses autres livres. C'est une sensation assez étrange, et éloignée de son univers habituel.
Voir aussi :